Je connaissais Yolande Leduc de vue, sans savoir vraiment qui elle était. Nous partageons le même quartier de Montréal, le Mile-End, et nous avons des relations communes. À vrai dire, si le Mile-End était une maison, on pourrait dire qu’elle fait partie des murs !
Comment décrire Yolande ?
Ex-danseuse des Grands ballets canadiens, autrefois connu comme les Ballets Chiriaeff, elle a ensuite oeuvré dans des cabarets et à la télévision. La grande vie …Par la suite, elle a enseigné la danse à différents endroits.
Une langue bien affutée, qui malgré son âge, n’hésite pas à partir à l’assaut des obstacles et des conventions. Elle est ainsi, depuis toujours ! Elle aime ou elle déteste, la modération est pour elle de toute évidence un véritable poison. En résumé, Yolande est un véritable « baril de poudre en tutu ». .

Yolande Leduc - 74 ans - Danseuse non retraitée

Le jour de la prise de vue, elle m’avoua, l’oeil espiègle teinté de fierté, qu’elle était l’enfant terrible de la troupe. Elle me raconta notamment, devant cette photo d’elle dans sa jeune vingtaine, qu’elle s’était coupé les cheveux très courts, comme Zizi Jeanmaire, et que ça avait fait scandale qu’une ballerine puisse avoir une telle coiffure.
Son goût pour la danse, elle l’a hérité de son oncle et sa tante, eux-mêmes danseurs.
Aujourd’hui, Yolande danse le Butoh!
Une danse lente et « fantomatique », qui dans le Japon des années 60, a été inventée alors que ce pays se cherchait une identité dans le monde moderne, après le carnage de la Seconde Guerre mondiale. Le butoh, à l’origine, avait pour vocation de malmener les valeurs anciennes, les tabous et le conservatisme. Nul besoin de vous dire que Yolande a plongé dedans en y laissant ses pointes et son tutu flotter à la surface.
Elle fit donc en 1999, à l’âge de 63 ans, une demande de bourse au conseil des arts et obtint l’argent nécessaire pour partir au Japon et recevoir l’enseignement de nul autre Kazuo Ohno, cofondateur de cet art, qui avait à l’époque 93 ans.
Le thème de la mort a aussi été très omniprésent dans nos conversations. Non pas parce qu’elle en a peur, mais parce qu’elle l’a côtoyé très jeune, à commencer par le décès de son grand frère à l’âge de 11 ans. Et puis il y a eu aussi beaucoup de bons amis, morts du SIDA et enfin tous ceux que l’on voit partir au fil du temps, simplement parce que c’est le lot de ceux qui restent un peu plus longtemps.
La mort, elle a voulu l’apprivoiser, en accompagnant ses proches, et elle m’avoua que cela lui avait permis de vivre des moments exceptionnels et inattendus.
Lorsque nous faisions les photos, j’ai vu à quel point elle avait toujours autant de plaisir à être en scène. Elle était dans son élément et nous avons pris notre temps, essayé toute sorte de poses, en la laissant aller à une chorégraphie rythmée par les éclairs des flashes.
Rapidement, j’ai eu à ma disposition un grand nombre d’images aussi intéressantes que différentes, chacune dévoilant une facette de son être. Le choix de LA photo fût donc une fois de plus délicat, mais finalement, c’est par cette photo que j’ai décidé de vous la présenter.
On y retrouve sa force de caractère, son goût pour la provocation ainsi que sa fierté d’être toujours sur scène.
Lors de notre dernier entretien, elle me confia:
« Je veux danser jusqu’à ma mort ! Je vais bientôt faire ‘La mort du cygne’ et tu sais, dans cette pièce, je meurs très bien! » et elle se mit à me mimer le cygne en train de s’effondrer lentement au sol.
One Response to Yolande • 74 ans
Danseuse Bùto
ex-danseuse des Grands Ballets Canadiens
  1. Yolande, je l’aime.
    Et elle m’aime aussi, car je suis une tête de cochon d’emmerdeur comme elle.


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